Semaine des Ambassadeurs : Discours de clôture de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

Madame la Ministre, Chère Nathalie Loiseau,
Monsieur le Ministre, Cher Jean-Baptiste Lemoyne
Monsieur le Secrétaire général, Cher Maurice Gourdault-Montagne,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,

Je suis heureux d’être parmi vous aujourd’hui, et de conclure pour la première fois la semaine des ambassadeurs. C’est un temps fort de notre vie diplomatique, une idée française qui a fait école puisque, 25 ans après la première réunion de ce genre, de nombreux autres pays s’en sont inspirés. J’ai d’ailleurs été récemment l’invité de la conférence italienne et je me rendrai bientôt auprès des ambassadeurs allemands, comme le ministre des affaires étrangères allemand est venu devant vous hier. Il nous revient donc de faire vivre cette belle idée en continuant de l’enrichir et d’en tirer des conclusions utiles pour notre action internationale.

C’est bien le cas cette année encore. Je tiens à remercier le secrétaire général, Maurice Gourdault-Montagne, et son prédécesseur, Christian Masset, ainsi que leurs équipes, en particulier le secrétaire général de cette semaine des ambassadeurs, Philippe Autié, pour leur excellent travail. Je veux aussi vous remercier, toutes et tous, pour la confrontation utile des points de vue, les échanges directs et francs que nous avons eus, et votre engagement auprès du grand public ou des entrepreneurs, pour faire mieux connaître notre diplomatie.

J’attendais ce moment avec impatience. Quelques mois après ma prise de fonction et déjà de nombreux déplacements, beaucoup de rencontres et bien des initiatives, il me permet de vous exposer les priorités que j’assigne à notre action et de vous détailler mes instructions pour que vous puissiez vous attacher avec efficacité à la réalisation des objectifs que le président de la République vous a présentés mardi. Je veux le faire sur la base des échanges très riches que j’ai eus avec vous pendant cette semaine, notamment pendant notre « huis clos » d’hier c’est une innovation qui était bénéfique et que l’on poursuivra - mais aussi lors des rencontres avec nos invités, qu’ils soient issus de la société civile, entrepreneurs ou étudiants par exemple, ou qu’ils occupent des fonctions officielles éminentes, comme Sigmar Gabriel et Peter Maurer, qui nous ont fait l’amitié de leur présence comme invités d’honneur.

La France a connu ces derniers mois un changement politique qui a étonné le monde, transformé son image et renouvelé les attentes à son égard. On disait hier « la France est attendue » et cela nous donne des responsabilités. Dès à présent, nous avons des marges de manoeuvre à utiliser, une chance à saisir, un rôle à jouer pour que notre pays soit pleinement lui-même sur la scène internationale. Chacun à votre poste, je souhaite que vous vous saisissiez de cette nouvelle dynamique ; je vous le dis sans détours : il y a beaucoup à faire, à la mesure des défis que nous avons à relever et des occasions que nous avons à saisir.

À cet égard, vous avez toutes les raisons d’être fiers des fonctions qui vous ont été confiées. Représenter la France à l’étranger, c’est être le légataire d’une histoire, l’incarnation d’une image, le défenseur d’intérêts stratégiques et économiques. Être ambassadeur de France c’est parler d’une voix qui sera écoutée, de plus en plus attendue, et toujours respectée. Il n’y a à cet égard pas de petits et de grands postes mais une seule diplomatie faite de l’ensemble de ceux qui la mettent en oeuvre, dans ce réseau universel, atout majeur pour notre pays, dont le président de la République et le Premier ministre garantissent la pérennité.

Le président de la République vous a présenté son ambition pour la France ; il vous a exprimé sa confiance pour en être les porteurs partout dans le monde. Cela m’oblige, vous l’avez senti, cela vous oblige aussi, vous l’avez senti. Je veux que les Français comprennent notre action, je veux qu’ils soient fiers de leur diplomatie, je veux qu’ils soient convaincus qu’elle défend avec efficacité leurs intérêts, leurs valeurs et leurs aspirations, à l’heure où de grands changements, de graves dangers mais aussi de multiples opportunités se présentent dans le monde.

« Renouveler notre action dans un monde de ruptures », ce thème qui a été choisi pour cette semaine des ambassadeurs, dit clairement les défis auxquels nous faisons face et ce que nous avons à faire.

Je passe rapidement sur le contexte dans lequel notre diplomatie devra agir, car vous le connaissez autant que moi. Deux ruptures doivent retenir notre attention ; elles sont à mon sens fondamentales.

D’abord, le développement des crises internationales, dans des zones toujours plus proches de l’Europe. La Syrie, la Libye, le Sahel, l’Ukraine, ces crises ont lieu à nos portes, dans notre environnement immédiat. Ce qu’il s’y produit a des effets directs sur nous ; nous le mesurons avec le développement de la menace terroriste, ou face à la crise migratoire qui affecte l’Europe depuis près de cinq ans, ou encore lorsque notre architecture de sécurité européenne semble menacée comme on l’a vu en Ukraine.

Ensuite, la seconde rupture, essentielle, concerne l’organisation de l’économie internationale. Si la crise de la fin des années 2000 était une crise financière, c’est le spectre de tensions commerciales qui se fait désormais jour, avec une Chine toujours déterminée à contrôler étroitement son économie et une Amérique tentée de fermer pour le défendre son immense marché intérieur. Face à cela, la seule réponse qui vaille est européenne, j’y reviendrai. Mais pour faire entendre sa voix et défendre ses intérêts, l’Europe doit encore intégrer une culture du rapport de forces qui lui a trop souvent fait défaut.

Ces deux ruptures découlent et témoignent en même temps d’un retour des logiques de puissance. Des stratégies hégémoniques et conflictuelles se déploient sur les territoires, mais aussi dans de nouveaux espaces disputés, au coeur de la mondialisation, qu’il s’agisse des espaces marins, extra-atmosphériques ou cyber. À travers elles, on assiste au retour de stratégies de domination ou d’intimidation, comme à la résurgence d’une volonté de construire des zones d’influence où l’on se partagerait la planète entre Grands, et à un affaiblissement corrélatif des organes multilatéraux de régulation de l’ordre international. La compétition est plus aiguë que jamais, la coopération moins évidente.

Cette situation, nous devons être capables de la prendre en compte dans notre politique étrangère, sans tomber dans le simple accompagnement de cette réalité nouvelle. Notre devoir, c’est de nous donner les moyens de résister à ceux qui adoptent des postures agressives de ce genre, pour faire prévaloir le droit au niveau international et la recherche collective de la paix. C’est le sens des augmentations annoncées par le président de la République du budget de la défense qui sera porté à 2% du PIB en 2025.

Dans cet environnement international bouleversé, que faire et comment agir ? Je vois plusieurs lignes directrices pour notre action :

- premièrement, face à des puissances qui affirment plus nettement leurs intérêts, nous devons être en mesure de faire de même : cela exige d’abord de définir nos intérêts, de les hiérarchiser ensuite, d’y associer des moyens, enfin d’être animés par une véritable vision stratégique, au sens propre du terme.

- deuxièmement, ce monde moins régulé ne doit pas nous faire peur ou nous pousser au repli. La France tient une place importante parmi les nations. Contrairement à ce qu’un certain pessimisme se plaît à répéter, notre pays n’est pas en déclin. La France a des atouts solides pour maintenir son rang : une défense forte, une base technologique solide, un rayonnement culturel mondial, une image positive et, bientôt, je l’espère, grâce aux réformes voulues par le président et mises en oeuvre par le gouvernement, une économie plus dynamique. J’en veux pour preuve le nombre de ceux qui, vous le voyez au quotidien, cherchent à développer leurs relations avec nous. C’est une force, notamment lorsque ces liens sont créateurs de partenariats dynamiques, inscrits dans la durée. Je pense notamment, parce que je m’y suis investi personnellement, à la relation que nous avons bâtie ces dernières années avec l’Inde ou avec l’Australie.

- pour autant, c’est ma troisième ligne directrice, nous ne devons pas nous contenter de régler notre action sur le monde tel qu’il est. Notre rôle est de promouvoir l’action collective et les normes internationales : la promotion de normes est plus indispensable que jamais face aux défis globaux qu’il nous faut relever, qu’il s’agisse de notre sécurité, du climat, des échanges et de l’éducation. Les incertitudes et les ruptures à l’oeuvre dans le monde rendent cette exigence sans doute plus difficile que par le passé ; elle n’en reste pas moins indispensable.

Ma méthode est donc simple. Par réalisme, je prends acte de la complexité et de la détérioration de la situation internationale, je me fixe des objectifs atteignables et je me donne les moyens de réussir. Enfin, et je tiens à le souligner clairement, je mesure le succès de notre action à l’obtention de résultats concrets. Ma conviction, c’est que nous avons toutes les cartes en main pour mettre en oeuvre une diplomatie pragmatique et efficace. Dans un monde en mouvement incessant, où les rapports de puissance sont incertains, notre force c’est notre agilité, c’est notre créativité, c’est notre vitesse dans la réflexion et dans l’exécution. C’est cette diplomatie agile qu’il vous reviendra de mettre en oeuvre.

Pour autant, je ne confonds pas réalisme et cynisme. L’agilité doit être mise au service d’une vision. Le monde peut être changé et la France peut être et doit être, car c’est sa vocation, une force d’initiative et de progrès : progrès des droits, progrès de la coopération, progrès de la paix.

C’est dans cet esprit que je veux travailler avec vous. J’en viens aux priorités de notre action présente et à venir.

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Notre agilité sur la scène internationale découle par définition de notre capacité à agir librement, à conserver les éléments de notre autonomie stratégique et, comme le président de la République nous l’a demandé mardi dernier, à faire de notre indépendance un objectif prioritaire de notre diplomatie. L’indépendance, toutefois, ce n’est pas la solitude. L’indépendance, c’est la garantie que nous pourrons toujours prendre des initiatives, produire par notre action et notre puissance un effet d’entraînement politique et affirmer s’il le faut notre leadership. La solitude limite le champ des possibles, elle restreint notre horizon diplomatique, elle épuise nos ressources. L’indépendance, au contraire, garantit notre liberté d’évaluation, de conception et d’action.

La question à nous poser, c’est donc : avec qui voulons-nous travailler ?

D’abord avec l’Europe. Le président de la République a rendu à notre pays son ambition européenne ; il a obtenu des Français un mandat clair pour relancer le projet européen. C’est essentiel, je veux le dire avec force : l’Europe est le cadre primordial, vital même, dans lequel nos valeurs et nos intérêts s’épanouissent.

Notre ambition pour l’Europe est grande. Le président de la République a annoncé qu’il ferait prochainement des propositions pour redonner de l’élan à la construction européenne et permettre que notre continent demeure cet espace unique dans l’histoire, un espace de prospérité, de liberté et de solidarité. Ces propositions viseront notamment à renforcer l’Union économique et monétaire, à assurer la convergence de nos politiques sociales et fiscales ou encore à approfondir l’Europe de la défense. En somme, aller de l’avant sur tous les sujets utiles pour nos concitoyens.

Soyons lucides : ces sujets sont loin de faire l’unanimité parmi les États membres, et il faudra faire preuve de conviction auprès de nos partenaires.

Nous organiserons également des conventions démocratiques, sous la conduite de la ministre chargée des affaires européennes. Il s’agira d’aller à la rencontre de tous ceux, y compris les plus critiques, qui ont une position sur l’Europe afin d’identifier les attentes de la société. Nous inviterons tous les États membres volontaires à faire de même.

Pour redonner foi à nos concitoyens dans le projet européen, nous devons garder à l’esprit que l’Union européenne a, de façon indissociable, des intérêts et des valeurs. Les citoyens européens attendent qu’elle l’affirme avec plus de force, par exemple dans le domaine commercial. La défense des intérêts européens devra également primer dans les négociations en cours sur le Brexit. La France veut que le Royaume-Uni demeure pour elle un partenaire et un allié de premier rang. Mais le choix souverain britannique ne pourra se faire au détriment de l’Union européenne et de ses États membres. C’est le sens du mandat de Michel Barnier, que nous soutenons.

L’Europe doit également affirmer ses valeurs. L’acuité de cette question n’échappe à personne. La construction européenne a toujours été un projet de nature politique ; sa crédibilité tient pour beaucoup au partage des mêmes principes et à une confiance réciproque dans les institutions démocratiques des États membres. Les dérives actuelles de certains d’entre eux sont une atteinte à notre histoire collective ; elles sont aussi une menace pour notre avenir politique commun. Elles doivent cesser et la France agira en ce sens.

Les valeurs européennes sont aussi un outil puissant de politique étrangère, en particulier dans notre voisinage immédiat. L’Union européenne doit rester exigeante sur le respect de l’État de droit, encourager ceux qui font les efforts les plus importants et tenir compte de l’évolution de ceux qui choisissent la régression.

Depuis la création du Service européen d’action extérieure, c’était il y a près de 10 ans, l’Union européenne s’est affirmée sur la scène internationale. Dans le respect des compétences respectives des uns et des autres, il est essentiel que nous articulions notre action diplomatique avec celle de l’Union, à la fois comme un démultiplicateur de puissance pour mieux porter nos priorités et comme un outil complémentaire du nôtre que nous pouvons utiliser là où nous sommes moins présents. À cette fin, je vous demande, de la même façon que je suis en contact étroit avec Federica Mogherini, d’entretenir des relations denses et productives avec les délégations de l’Union européenne partout dans le monde.

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Pour autant, l’horizon de nos intérêts et de nos amitiés n’est pas limité à l’Europe. Une diplomatie agile a besoin d’appuis partout dans le monde. À cet égard, la relation avec les États-Unis revêt une importance spécifique. L’invitation adressée par le président de la République à Donald Trump de participer aux cérémonies du 14 juillet en hommage aux troupes américaines tombées pour défendre notre liberté, cette invitation illustre la manière dont notre alliance est enracinée dans l’Histoire. Elle se perpétue aujourd’hui, au Sahel ou au Levant, mais aussi par la place qu’occupent les États-Unis dans la sécurité du continent européen. Malgré les désaccords du moment - car ils existent - nous devons affirmer l’importance de ce lien, et la proximité de nos valeurs avec celles des États-Unis. Nous devons également nous montrer exigeants sur le fond, qu’il s’agisse du climat, des modalités de gestion des crises internationales, ou de notre rejet des sanctions extraterritoriales affectant les entreprises européennes. Mais pour être exigeants, et pour être crédibles dans l’affirmation de nos exigences, nous devons être forts, et pour être forts nous devons être unis. C’est aussi la condition pour que notre voix soit pleinement entendue dans l’OTAN, et que notre vision d’une alliance militaire, robuste mais économe en déclarations, puisse avancer.

Au-delà du cercle des Alliés, la France a une vocation mondiale. Elle peut travailler avec ceux que l’Histoire a rapprochés de nous, ceux dont les intérêts convergent avec les nôtres ou ceux qui sont prêts à se mobiliser en soutien de causes qui nous sont chères. Nous pouvons oeuvrer avec la Chine sur les enjeux du climat, nous pouvons travailler avec l’Inde sur des sujets aussi variés que la sécurité maritime ou l’Alliance solaire internationale ; avec les pays d’Amérique Latine, nous pouvons agir pour faire progresser les droits de l’Homme. La France a partout des amis. C’est un atout stratégique majeur.

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Une France capable de mobiliser les Européens autour d’un projet ambitieux, une France capable de structurer le débat international, c’est la condition d’une action efficace pour atteindre des objectifs clairs.

Le premier d’entre eux, la première urgence, c’est de trouver des solutions durables aux crises qui se déroulent dans notre environnement car elles ont un impact direct sur notre sécurité, en raison des menaces qui en résultent.

Notre première priorité, ce sera donc d’éradiquer le terrorisme islamiste. Nous sommes puissamment engagés contre les groupes djihadistes militarisés et nous saurons les vaincre. Je reviens d’Irak où j’ai pu mesurer l’ampleur des victoires obtenues contre Daech, avec notre soutien, reconnu à Bagdad comme à Erbil. Je n’ai pas de doute non plus que cette organisation sera vaincue en Syrie. Au Levant, il nous faut toutefois d’ores et déjà nous projeter vers l’après-Daech et poser les jalons de solutions politiques qui permettront le retour à une paix durable. C’est pourquoi je parle à tout le monde dans la région avec la volonté de contribuer à l’apaisement des tensions. C’est aussi le sens des initiatives que je prends à la demande du président de la République auprès de mes homologues du P5 et surtout les acteurs régionaux qui exercent une influence en Syrie. Il faut aboutir à la constitution d’un groupe international de contact pour réduire les contradictions au sein de la communauté internationale et soutenir efficacement le travail de l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies, M. Staffan de Mistura. Il s’agit d’une démarche pragmatique et exigeante sur le fond car il est clair pour la France qu’il faut une transition politique en Syrie, dans l’intérêt même du peuple syrien.

En Libye, la France partage avec d’autres la responsabilité particulière d’aider ce pays à retrouver unité et stabilité. C’est notre intérêt comme en témoignent la multiplication des menaces liés à l’effondrement des institutions étatiques : celles du terrorisme, des trafics d’armes, et des migrations incontrôlées. C’est pourquoi je me suis rendu dès les premiers jours de mon mandat, à la demande du président de la République, auprès des dirigeants étrangers qui exercent une influence en Libye. À tous, j’ai tenu le même langage : il faut prendre acte de la situation militaire et obtenir des principaux protagonistes qu’ils tiennent enfin les engagements pris dans le cadre des Nations unies. C’est ce que le président de la République a obtenu du Premier ministre Sarraj et du Maréchal Hafter lorsqu’il les a réunis à La Celle Saint-Cloud, dans ce haut lieu de la diplomatie française. Je me rendrai très bientôt en Libye pour assurer le suivi de cette réunion et rechercher le soutien de toutes les parties à la déclaration commune qui a été adoptée à cette occasion. C’est cela qui - je l’espère - avec le soutien de nos principaux partenaires, notamment l’Italie, permettra à l’envoyé spécial de l’ONU, M. Ghassan Salamé, de parvenir à l’organisation en 2018 des élections qui marqueront le début d’une restauration effective de l’État en Libye.

Ne nous y trompons pas : la complexité des crises dans notre environnement nécessite un investissement de long terme. C’est le cas au Sahel, qui est un autre lieu majeur de notre engagement contre le terrorisme et pour la paix. À cet égard, la montée en puissance des forces de sécurité des États de la région est indispensable et nous devons l’accompagner. C’est le sens de la résolution que nous avons portée au conseil de sécurité des Nations unies avant le sommet de Bamako. Je m’attacherai, avec la ministre des armées Florence Parly, dans les mois qui viennent, à assurer que le soutien international à la montée de la force du G5 soit suffisant. Nous nous engageons aussi sur le terrain politique, notamment pour obtenir que les accords d’Alger pour le Mali soient enfin mis en oeuvre, et pour soutenir le développement économique de la région. C’est le sens de l’Alliance pour le Sahel que le président de la République a initiée avec la chancelière allemande le 13 juillet dernier. C’est en combinant les instruments de la sécurité et du développement que nous préviendrons ensemble le terrorisme et le fanatisme. Pour maintenir la cohérence de notre action dans tous ces domaines et convaincre nos partenaires, j’ai décidé de confier à Jean-Marc Châtaigner la mission d’envoyé spécial pour le Sahel.

La priorité que nous accordons à la solution des crises dans notre environnement proche correspond bien sûr à la nécessité absolue de garantir la sécurité et la réussite économique de notre pays, aujourd’hui et demain. C’est dans le même esprit qu’il nous faut faire tous les efforts pour que la paix soit maintenue sur le continent européen, en dépit des tensions. C’est pourquoi la France continuera à rechercher les voies et les moyens d’une coopération constructive avec la Russie, dans le cadre d’un dialogue ouvert et exigeant, en vue d’assurer la stabilité en Europe et d’abord en Ukraine.

Il nous faut aussi renforcer notre coopération avec les pays de la Méditerranée, ceux de la rive nord, les pays européens, comme ceux de la rive sud, tout particulièrement les pays du Maghreb auxquels nous sommes liés par une longue histoire, de multiples affinités et des liens humains très denses. Les difficultés dans la région méditerranéenne ne doivent donc pas nous dissuader d’explorer de nouvelles voies pour la coopération, de faire preuve d’inventivité.

Il y a des crises qui représentent une menace immédiate pour la sécurité des Français. Il existe également des crises qui durent sans trouver de solution. Leur inscription dans le temps long engendre le désespoir et enferme les peuples dans une impasse. Je pense en particulier au conflit israélo-palestinien. Les lignes peuvent bouger dans la région car le combat contre Daech fait évoluer les perceptions. La France jouera tout son rôle, dans la recherche de la seule solution possible : la solution à deux États.

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Comme le président de la République vous l’a dit, la France compte sur ses propres forces, sur les réformes qu’elle entreprend et sur sa capacité d’agir pour assurer son propre avenir. Mais elle veut aussi rechercher partout où c’est possible des solutions collectives aux problèmes globaux auxquels elle est confrontée et qui nécessitent des solutions à la fois ambitieuses, pragmatiques et partagées.

Notre responsabilité et notre intérêt sont de défendre les cadres d’action et les règles de droit édictés collectivement. C’est la meilleure garantie de la transparence, de la prévisibilité et de la confiance des relations internationales. La France doit plus que jamais jouer un rôle actif dans les enceintes d’action multilatérales.

Notre présidence du conseil de sécurité, en octobre prochain, sera l’occasion de réaffirmer cet engagement.

Je souhaite également renforcer la présence de la France au sein du système des Nations unies - à tous les niveaux de leur action.

Notre influence passe par la représentation de notre culture du droit au sein des juridictions internationales. À l’heure où le rôle de la Cour internationale de justice dans le règlement des différends internationaux et l’énoncé des règles de droit va croissant, la réélection du juge français Ronny Abraham constitue une priorité essentielle, qui nécessite que vous poursuiviez avec détermination la campagne que nous menons en sa faveur.

C’est aussi la raison pour laquelle je vous demande d’être pleinement mobilisés pour faire aboutir la candidature de Mme Audrey Azoulay à la direction générale de l’UNESCO. Je m’attacherai par ailleurs à renforcer l’attractivité de la France pour les organisations internationales, déjà nombreuses sur notre territoire.

La crédibilité de notre système de sécurité collective tient aussi à sa capacité à s’adapter à un monde plus complexe, instable, interdépendant. C’est pourquoi nous soutiendrons le nouveau secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, dans sa volonté de réforme du système des Nations unies. Au fond, notre message doit être qu’une approche collective, une approche multilatérale n’est pas une simple possibilité parmi d’autres ; c’est bien souvent une nécessité. Il y a des sujets que nous ne pouvons aborder que dans ce cadre. Ceux qui refusent de le voir aujourd’hui finiront tôt ou tard par en percevoir l’évidence ; l’égoïsme, la conduite du cavalier solitaire ne fonctionnent tout simplement pas face à certaines réalités.

Le climat en fait partie, de façon évidente. Nous aurons un travail très important à conduire d’ici à la présidence polonaise de la COP en 2018 sur la mise en oeuvre effective de l’Accord de Paris, tout d’abord lors de la prochaine COP à Bonn en novembre mais également au sommet de Paris le 12 décembre prochain. Plus largement, les sujets d’environnement seront au coeur de nos préoccupations, avec notamment l’engagement des travaux sur un Pacte mondial pour l’environnement que nous appelons de nos voeux.

Sur les migrations ensuite, il s’agit d’un phénomène durable et multiforme que nous devons traiter dans toutes ses dimensions. Cela nécessite d’abord que nous assumions pleinement notre devoir d’asile à l’égard de ceux qui ont droit à notre protection. Cela exige ensuite que nous mettions en oeuvre un ensemble complet de coopérations avec les pays d’origine, de transit et d’accueil pour maîtriser les flux illégaux. Le président de la République m’a confié la mission de coordonner la mise en oeuvre des décisions prises à ce sujet le 28 août à l’Élysée avec nos différents partenaires européens et africains. Je m’appuierai pour cela sur un ambassadeur en charge des migrations qui disposera d’un mandat que je lui aurai confié conjointement avec le ministre de l’Intérieur, c’est assez rare.

C’est aussi vrai s’agissant de la prolifération des armes de destruction massive. Si la France a refusé de prendre part aux négociations sur un Traité d’interdiction des armes nucléaires, c’est que dans un environnement stratégique incertain - la Corée du Nord nous le rappelle avec une particulière acuité - une telle démarche ne peut qu’affaiblir le Traité de non-prolifération nucléaire qui constitue le dispositif le plus équilibré et par conséquent le plus robuste dans ce domaine. C’est un enjeu crucial, face au risque renouvelé de prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, qu’elles soient nucléaires mais aussi biologiques et chimiques. Sur ce sujet, plus encore peut être que sur tout autre, la politique de l’incantation confine à l’irresponsabilité. C’est par des actes concrets que nous créerons un environnement plus sûr.

Nous devons, à cet égard, lutter contre la dangereuse banalisation de l’utilisation de certaines de ces armes. Je pense en particulier aux armes chimiques en Syrie qui ont semé la mort et remettent en cause les efforts multilatéraux conduits depuis tant d’années. Les auteurs d’attaques chimiques auront à répondre de leurs actes devant la justice. Sur ce sujet, la France veillera à ce qu’il n’y ait jamais d’impunité. Les criminels qui ont pris la responsabilité d’utiliser de telles armes doivent savoir que, même dans 5, 10 ou 15 ans, nous poursuivrons nos efforts pour faire condamner les coupables. Il en va de l’avenir de l’ensemble de notre système de sécurité collective : on ne doit pas pouvoir en violer les normes les plus fondamentales sans en subir un jour les conséquences. Sur la base de ce principe, la France proposera prochainement des initiatives à ses partenaires.

Le développement des moyens de communication et d’Internet a révolutionné les échanges. Il en résulte une démultiplication d’opportunités mais aussi de nouveaux risques. Les attaques cyber nous le rappellent. Là aussi, une approche collective est indispensable. La France et ses partenaires sont engagés pour appréhender cette nouvelle réalité sous l’angle du droit international et des normes de comportement. Dans ce domaine, nous devons en effet penser agilité, initiative, pour les conditions d’une nouvelle forme de stabilité stratégique et définir clairement nos intérêts, de sécurité, économiques, mais aussi en termes de préservation du pluralisme et de défense de nos institutions démocratiques et trouver un équilibre en la matière. C’est pourquoi, à la demande du Premier ministre, je présenterai à l’automne une stratégie internationale numérique pour la France, en me fondant sur l’excellent travail réalisé par David Martinon en lien avec l’ensemble des services concernés.

À partir de là, dans ce champ nouveau où les acteurs sont multiples et de types différents, nous devrons bâtir des coalitions et convaincre, non seulement les États mais aussi les entreprises et l’ensemble des acteurs privés, y compris associatifs.

Pour mener à bien chacun de ces chantiers, il faut que la France soit elle-même exemplaire, fidèle à ses valeurs et respectueuse des engagements qu’elle prend auprès de chacun de nos partenaires.

C’est dans cet esprit que je conduirai avec conviction l’action de la France dans le domaine des droits de l’Homme. La France agira parce que telle est sa vocation. Aucun ordre stable ne peut être fondé sur l’injustice.

Je renforcerai aussi notre action humanitaire dans un contexte où les violences contre les populations civiles s’exacerbent. 128 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire immédiate à travers le monde. C’est parce qu’elle est consciente de la nécessité de travailler plus efficacement avec les acteurs locaux, au plus près du terrain, que la France adhèrera prochainement au « Grand Bargain » et aux engagements qui en découlent en termes de valorisation des ONG locales.

Les attentes à l’égard de notre pays comme partenaire du développement sont également grandes.

Les défis seront multiples au cours des cinq prochaines années ; notre voix sera attendue sur nombre de sujets qui nécessitent que nous disposions des moyens nécessaires à notre action, sans recourir obligatoirement aux financements multilatéraux ou sans nous abriter obligatoirement derrière d’autres États européens qui disposent de moyens plus conséquents.

Je pense d’abord à la mise en oeuvre de l’Accord de Paris. Ensuite, il y a nos engagements de longue date dans le domaine de la santé. Nous sommes le deuxième contributeur au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, avec un versement de plus de 4,8 milliards d’euros depuis 2002. C’est enfin l’éducation, accélérateur de développement, qui mérite un traitement particulier, y compris pour faciliter l’accès des filles et des adolescentes à une éducation de qualité jusqu’à la fin du secondaire.

Pour financer ces priorités, le président de la République et le Premier ministre ce matin, vous l’avez entendu, a confirmé l’objectif d’une APD représentant 0,55% du PIB, ce qui suppose de passer de 8,5 milliards à presque 15 milliards d’euros en 2022, en tenant compte des hypothèses de croissance actuelles. Une telle augmentation constitue en soi un enjeu et je sais pouvoir compter sur l’expertise de la direction générale de la mondialisation et de la direction générale de l’administration, pour construire rapidement un scénario pertinent de montée en puissance que le président de la République m’a demandé.

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Notre politique étrangère sera d’autant plus efficace que nous aurons pris toutes les mesures nécessaires au redressement de notre pays, à la revitalisation de son économie et au déploiement de tous ses talents. Le Premier ministre vous l’a dit ce matin, notre programme de réforme est un programme de transformation ; vous aurez à le relayer à l’étranger pour que l’image de notre pays évolue et qu’il devienne connu non seulement pour sa qualité de vie et pour son excellence dans l’industrie et dans les services, mais pour qu’il soit enfin vu comme un pays où l’on entreprend, où l’on innove, un pays dynamique et créatif. Vous devrez donc jouer pleinement votre rôle dans la politique d’attractivité de la France. Nous avons une image à défendre et vous devez en être les relais.

Nous avons en outre une responsabilité particulière dans la réalisation des objectifs du gouvernement. Comme vous le savez, notre ministère à la charge de deux autres politiques importantes pour l’économie de notre pays : le commerce extérieur d’une part, le tourisme d’autre part. Dans notre monde globalisé, l’attractivité est essentielle ; elle exige que nous ayons une diplomatie économique ambitieuse et cohérente, capable de porter les intérêts de nos entreprises, capable aussi d’intégrer pleinement les enjeux économiques dans l’analyse des situations stratégiques.

Dans ce but, notre premier objectif est de faciliter l’accès de nos entreprises aux marchés internationaux. Les chiffres parlent d’eux-mêmes pour mesurer notre marge de progression : aujourd’hui seulement 125.000 de nos entreprises sont présentes à l’exportation. Mon objectif est que 200.000 de nos entreprises soient exportatrices en 2022, en partant à la conquête de nouveaux marchés, en Afrique, en Asie et en Amérique latine là où se trouve l’avenir de la croissance mondiale.

Pour cela il faut une méthode, parce qu’on ne peut pas dire que ça va quand notre déficit de biens et services s’accroît année après année. Il faut donc changer les choses. Il faut une méthode qui conjugue la simplicité et l’efficacité. L’exigence de simplicité, c’est la volonté de définir clairement un objectif, une action unifiée et un acteur chef de file, et pour cela de décloisonner ce qui fonctionne encore trop souvent en silos. C’est la méthode des « équipes France ». Je l’ai expérimenté avec un certain succès dans mes précédentes fonctions. Mon exigence est celle de l’efficacité, afin de privilégier les actions qui ont un réel retour sur l’économie française.

Votre rôle est d’ouvrir la voie à nos entreprises. Pour cela, vous avez la responsabilité du pilotage stratégique de la relation commerciale dans vos pays de résidence. Les PME et les ETI sont votre priorité. Elles bénéficieront d’un parcours unifié, organisé autour d’un guichet unique régional au départ, une seule adresse, un seul repère je verrai les présidents de région pour en parler - et d’un guichet unique dans le pays d’arrivée, placée sous votre responsabilité. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai voulu renouveler cette semaine les rencontres « un ambassadeur-un entrepreneur », et je me réjouis de leur succès.

Vous avez aussi un rôle capital à jouer dans la promotion de l’attractivité de notre pays en matière économique. Nous visons 2.000 projets d’investissements nouveaux sur notre territoire en 2020. Il vous incombe, avec les services économiques, avec la Direction générale du Trésor dont je salue le travail, et en lien avec Business France, d’expliquer aux investisseurs les réformes menées en France. Et pour chaque grand investissement productif, je souhaite que soit mis en place, avec Business France, un groupe de travail dédié.

Sur le tourisme, je vais moins m’y étendre, mon exigence est la même : faisons simple et efficace. Travaillons avec l’ensemble des professionnels. Un objectif ambitieux mais réaliste : 100 millions de touristes internationaux et une dépense de 50 milliards d’euros. Pour les atteindre, la pleine mobilisation du réseau, en lien avec l’opérateur Atout France, est nécessaire. Je vous invite à aller au contact des acteurs locaux du tourisme et de promouvoir la destination France par des événements réguliers, dans sa diversité géographique et la richesse de son savoir-faire.

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J’ai évoqué le retour des politiques de puissance. Cette réalité, nous l’éprouvons aussi - et de plus en plus - sur le terrain de l’influence, est essentielle.

Notre pays est certes attendu ; il a des soutiens partout dans le monde ; mais de nombreux pays ont décidé de livrer avant nous, parfois contre nous, la bataille de l’influence. En ouvrant des centres culturels, en multipliant les programmes de bourse, en faisant valoir leurs propres conceptions du monde, ils développent et consolident une puissance renouvelée, celle qui laisse une empreinte souvent décisive dans les coeurs et les esprits.

Il y a donc l’influence des autres, que nous devons donc surveiller, mais il y a aussi et surtout notre propre influence, qui se trouve d’abord dans vos mains, en tant que chefs de poste.

On a raison de dire que la diplomatie d’influence est au coeur de notre politique étrangère, encore faut-il savoir pourquoi. Elle est davantage qu’une priorité sectorielle parmi d’autres comme la résolution des crises ou la diplomatie économique. Elle est un moyen indispensable au service de l’ensemble des priorités que j’ai évoquées. Car c’est en s’adressant aux opinions publiques, en leur faisant aimer la France, en obtenant leur adhésion, que nous offrirons un terrain privilégié à la négociation diplomatique.

La diplomatie d’influence a donc une visée globale, mais elle se nourrit d’actions précises, à partir de leviers qui sont pour beaucoup à votre main, et dans lesquels notre réseau de coopération et d’action culturelle joue un rôle premier.

Dans le contexte international que nous avons revisité à l’occasion de cette semaine, notre première force d’influence, c’est la langue française. Elle n’est pas seulement le ferment de notre identité, de notre culture. Elle est ce qui relie la France au monde entier. Je pense à tous les pays francophones qui la partagent avec nous. Mais je pense aussi à tous ceux qui, en apprenant notre langue, en la pratiquant, qu’ils soient étudiants, touristes, entrepreneurs, se rapprochent ainsi de notre pays, dans l’aventure d’un universel partagé qui ne se vit pas comme exclusif, mais bien au contraire comme un facteur de diversité culturelle et de promotion des échanges dans tous les domaines.

On évoque souvent les projections démographiques, à l’horizon de 2050, qui nous conduiraient à une augmentation un peu mécanique du nombre de locuteurs francophones. Mieux que quiconque, vous savez combien ces grands chiffres dissimulent des réalités plus contrastées. Il faut donc nous mobiliser, pour que la langue française soit un instrument toujours plus actif du rayonnement comme de l’attractivité de la France.

Beaucoup de choses sont déjà faites, mais je crois que beaucoup restent encore à faire. En particulier pour décloisonner la Francophonie. Aujourd’hui, le mot Francophonie est parfois perçu négativement : dans le meilleur des cas, il n’est pas compris ; dans le pire, il rebute, alors même qu’il recouvre une opportunité majeure pour l’inscription de notre pays dans les nouveaux équilibres du monde. La Francophonie est politique avec l’OIF et les nombreuses relations bilatérales qui ont le français en partage ; elle est culturelle avec les actions de nos Instituts français et de nos Alliances françaises ; elle est aussi éducative, avec le concours de l’AEFE, qui conjugue une mission de service public et une mission d’influence que nous défendons en ce moment même avec ardeur ; elle est enfin économique. La Francophonie est donc globale, et il vous appartient, en tant que chefs de poste, d’en piloter la promotion avec tous les leviers qui s’offrent à vous. Je connais la conviction qui anime Jean-Baptiste Lemoyne sur ce sujet.

Au-delà de la promotion du français dans le monde, je tenais à partager avec vous ma conviction selon laquelle notre ministère est l’un des grands acteurs culturels de l’État, c’est d’ailleurs ce qui justifie le pilotage du réseau par notre ministère, avec bien sûr l’appui de nos opérateurs, notamment l’Institut français dont je suis heureux de saluer le nouveau président Pierre Buhler.

J’aurai l’occasion de revenir sur ces enjeux dans les mois qui viennent, car j’ai souhaité faire du renouvellement de notre matrice d’influence l’un des grands chantiers de ma feuille de route. Pour préparer notre ministère - et donc notre pays - à relever les grands défis internationaux qui nous attendent dans le futur, c’est une démarche fondamentale, parce qu’elle concerne encore une fois le socle de toutes les actions que nous entreprenons. D’ores et déjà, j’entrevois deux chantiers évidents : le rapprochement de l’Institut français et de la Fondation alliance française, annoncé par le président de la République, et la mobilisation que je souhaite massive des outils numériques, qui nous offrent des opportunités considérables de diffusion de notre culture, de notre langue.

Je veux insister sur le rôle qui est le vôtre pour faire vivre cette diplomatie d’influence, et notamment pour contribuer vous-même à la bataille des idées et des représentations, pour défendre nos propres conceptions, en étant présents dans les lieux de débat de vos pays respectifs. Il y a là un enjeu majeur, bien identifié par le rapport d’Yves Saint-Geours dont je veux tirer les conclusions, avec le CAPS. Je vous invite d’ores et déjà à vous en saisir, en n’hésitant pas à associer vos collaborateurs à cette démarche.

L’influence se mesure certes au fait d’être entendu ; mais elle se mesure aussi à la capacité à écouter. Vos postes doivent être ouverts aux idées du monde entier pour sortir du confort des certitudes acquises et des manières habituelles de penser, pour être sensibles également aux dynamiques sociales à l’oeuvre dans vos pays de résidence.

Avec la COP21, le monde aura de nouveau, je l’espère, rendez-vous à Paris en 2024. Je veux d’ores et déjà saluer la formidable équipe du comité de candidature, certains de ses représentants sont présents parmi nous, pour le travail remarquable qu’elle a réalisé.

La perspective des Jeux Olympiques à Paris, mais aussi la candidature à venir de Saclay à l’exposition universelle de 2025, ce sont des occasions de faire de Paris un lieu où à nouveau les idées du monde se rencontrent, en organisant le débat sur les bouleversements contemporains, en faisant toute sa place aux pensées diverses de notre temps, des pensées bien moins homogènes que ce qu’une certaine paresse intellectuelle laisse parfois présager.

Mesdames les Ambassadrices,
Messieurs les Ambassadeurs,

Pour faire tout cela, c’est beaucoup, il nous faut non seulement du talent et du dévouement mais aussi des moyens. Nous le savons tous : une diplomatie sans vision stratégique est aveugle ; mais une diplomatie sans moyens est impuissante. Notre ministère prend bien sûr sa part des efforts nécessaires à la maîtrise des dépenses publiques. Il l’a encore fait en 2017 avec d’autant plus d’abnégation que nous savons tous parfaitement que notre crédibilité en Europe et dans le monde est étroitement liée à notre capacité de respecter nos engagements, notamment sur la question des déficits publics. Mais le président de la République vous a dit avant-hier que 2018 serait une année de stabilisation budgétaire.

Le niveau de nos ambitions comme la nécessité de maîtriser nos dépenses imposent un pilotage stratégique de notre action pour la rendre plus efficace. Je m’y attacherai moi-même en réunissant deux fois par mois un comité exécutif que j’ai créé à mon arrivée pour réunir autour de moi les deux ministres, le secrétaire général, l’Inspectrice générale, les trois directeurs généraux et, en tant que de besoin, les directeurs ou chefs de service concernés par l’ordre du jour.

Sachez aussi que je suis attaché, comme le président de la République, à l’universalité de notre réseau diplomatique car il nous permet de développer une stratégie globale et d’en assurer la parfaite adéquation à nos moyens. J’insiste en outre sur le service que ce réseau nous permet de rendre avec efficacité à nos compatriotes de l’étranger. Il est fondamental. La sécurité et la protection des communautés françaises à l’étranger est notamment un enjeu majeur. Nos outils de veille et notre dispositif de gestion de crises ont maintenant un statut d’exemple et font la preuve de leur efficacité à chaque fois que nécessaire, encore récemment après les attentats de Barcelone, de Ouagadougou, de Londres. Je remercie ici les personnels du CDCS comme les volontaires de la Croix rouge pour leur engagement et le service remarquable qu’ils rendent à nos compatriotes en difficulté.

Ces dernières années, d’importants efforts d’adaptation du réseau diplomatique et consulaire ont été menés parfois avec difficultés. Je tiens à saluer votre forte implication comme celle de l’ensemble de l’administration pour mener à bien ces évolutions qui doivent nous permettre d’atteindre la cible de 25% de nos effectifs dans les grands pays émergents du G20. Par ailleurs, je voulais vous annoncer aussi que j’ai décidé de relancer notre projet immobilier de rénovation et de modernisation du Quai d’Orsay. Il changera l’image de notre maison, transformera ses méthodes et améliorera les conditions de travail comme la sécurité des agents. Quatre architectes de renommée internationale sont en compétition. Le jury va se réunir très prochainement pour choisir le projet qui sera sélectionné et réalisé d’ici 2022.

Parlant de la modernisation de notre dispositif, je veux bien sûr évoquer la transition numérique, ou la digitalisation, de notre ministère. Là aussi nous sommes en mouvement : France Visas est à cet égard l’un des projets de dématérialisation les plus ambitieux de l’État. La digitalisation devra être amplifiée pour en exploiter tout le potentiel.

De façon générale, je souhaite que le ministère de l’Europe et des affaires étrangères continue de participer activement au grand chantier de transformation de l’action publique annoncé par le président de la République, comme il l’a toujours fait lors des précédents exercices de réforme de l’État. Je veillerai à ce que la politique de ressources humaines soit, en pleine concertation avec les organisations syndicales, mise en oeuvre dans la cohérence qui permette d’assurer la validité des parcours et la sécurité des parcours professionnels.

Je serai aussi, comme je l’ai été au ministère de la défense, particulièrement vigilant à ce que les enjeux de parité et de diversité des profils soient pleinement pris en compte. Je sais que beaucoup a déjà été fait, et je me réjouis de pouvoir construire sur une base déjà bien établie, avec Florence Mangin, notre nouvelle haut fonctionnaire à l’égalité.

Mesdames les Ambassadrices,
Messieurs les Ambassadeurs,

Les priorités du président de la République et du Premier ministre ont été annoncées, il nous revient de les mettre en oeuvre. Je voudrais pour conclure vous dire le rôle que je souhaite vous voir prendre dans cette perspective.

D’abord, par votre action sur le terrain, par vos analyses, par votre correspondance diplomatique, vous êtes à l’avant-poste de la fonction de connaissance et d’anticipation dont dépend notre souveraineté. Notre réseau diplomatique, c’est la vigie de notre pays et vous en êtes les gardiens, partout à travers le monde.

Ensuite, c’est votre seconde mission, vous êtes des défenseurs déterminés des intérêts de la France.

Elle est d’autant plus exigeante à mener qu’elle s’inscrit plus que jamais dans un cadre interministériel. En effet, vous êtes appelés, de plus en plus, à être les assembleurs de stratégies complexes, réunissant une grande diversité d’acteurs, étatiques et non étatiques, pour traiter les enjeux de la nouvelle diplomatie dans une grande variété de secteurs clefs pour la mondialisation.

À cet égard, votre réussite ne peut être que collective. Vous êtes des chefs d’équipe et vous avez comme tels une responsabilité singulière vis-à-vis de ceux qui travaillent avec vous ; c’est une exigence de solidarité qui vous anime, de même qu’une exigence d’exemplarité, car vous représentez la France.

Je mesure l’honneur qui m’est fait de conduire la diplomatie de notre pays, cette diplomatie qui s’illustre depuis des siècles au service des intérêts de la Nation et de la protection des Françaises et des Français. Notre responsabilité commune est à la mesure des temps incertains que nous vivons. Je ne doute pas de votre engagement dans l’accomplissement de la tâche qui vous est confiée ; vous pouvez être assurés de ma mobilisation de chaque instant à la tête de notre diplomatie. Merci./.

Dernière modification : 06/09/2017

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